mardi 23 avril 2024


 Le championnat du Finistère d'orthographe du 23 mars 2024

lundi 22 avril 2024

 

17e Championnat du Finistère

d’orthographe et de langue française

 Bourg-Blanc, le 23 mars 2024

                                             Partie(s) de pêche

(Pour tous) La mer s’est retirée, loin, très loin, ouvrant l’accès à l’île* Blanche1, bien connue des marins de passage pour l’amer2 rouge qui les assure d’arriver à bon port. C’est sur cette grève que déjà tout gamin je venais, accompagné du vieil oncle Yann, à chaque grande marée, pour des parties de pêche inoubliables.

Ici, dans ce petit havre3 finistérien, le flux et le reflux rythment les jours et les nuits, et la vie s’écoule en deux temps. Tout y est encore imprégné des bonheurs de nos jeunes années : le bain, la barque bleu ciel4 que l’oncle empruntait pour une balade5 sur l’îlet* – Antilles de notre enfance ! – et surtout les parties de pêche à pied.

Aujourd’hui, jour de marée d’équinoxe vernal6, quand les mordus de bronzette se sont laissé hâler7 au soleil breton, les bassiers8 se sont donné9 rendez-vous sur les lais10 de haute mer et – rituel immuable11–, armés de râteaux et de palots12, ils fouillent, ratissent inlassablement, scrutant le moindre trou d’eau (Fin pour les lycéens), soulevant les fucacées13 brun-jaune14 ou les corallines15 buissonnantes, remuant le sable, pour y débusquer un portune16 assoupi, des solens17 imprudents, des pétoncles18 striés et autres pensionnaires de ces fonds sableux habituellement protégés de l’invasion humaine. L’observateur averti y aura en effet remarqué tant de signes d’une vie intense et discrète !

 (Confirmés et champions) Déjà, passé19 l’étale20 de basse mer, à l’heure du revif21, l’onde montante va bientôt faire battre en retraite la cohorte de ces cueilleurs de la mer. Seules les troubles22 agitées poursuivent encore le bouquet23. Sur la slikke24 molle et douce – aucunes syrtes25 traîtresses* sous la tangue26 collante ! –, s’attardent les oiseaux limicoles27, tel le courlis28 cendré, en quête de sa mye29 favorite ou de sabelles30 fort élégantes…

 (Reprise amateurs) Les paniers sont posés sur les rochers chaotiques du rivage, au milieu des        cristes-marines31*, le temps d’un rapide inventaire sous le regard impassible d’un cormoran huppé. La sterne et la mouette rieuse tournoient au-dessus de nos têtes, affriandées par ce menu gracieux. Du nanan32 !

Il reste au maître*(-)queux33 de service à préparer une poêlée persillée qu’accompagnera, naturellement, un délicat sylvaner ou un sancerre bien fruité. Ce sont là les délices raffiné(e)s qui, dans l’abri côtier, concluent superbement ces journées mémorables.

* Variantes acceptées : l’ile, ilet, les christes-marines, traitresses, maitre.

Le nom « bassier », absent des dictionnaires de référence sera neutralisé. 

Texte rédigé par Henri Le Guen, avec la complicité de Philippe Dessouliers.

Ouvrages de référence : les dictionnaires Petit Larousse et Petit Robert 2024, le Dictionnaire des difficultés de la langue française, de A.V. Thomas (Larousse), et La majuscule, c’est capital !, de Jean-Pierre Colignon.

Lexique

1.       L’île Blanche : le nom île est générique. Il s’écrit avec une minuscule.  L’adjectif Blanche est le terme spécifique qui nomme cette île. C’est ce terme qui prendra la majuscule. Autres exemples : la mer Noire, le cap Horn …

2.       L’amer rouge : Point de mer Rouge en Finistère ! L’amer est un point de repère fixe, visible de la mer et qui sert de guide pour la navigation.

3.       Un havre : Mot d’origine nordique. Crique ou baie donnant sur la mer et constituant un mouillage sûr pour les bateaux de passage.

4.       La barque bleu ciel : deux termes expriment une couleur. Le second nuance le premier. Tous deux restent invariables.

5.       Une balade : une promenade. À ne pas confondre avec son homophone ballade qui désigne un poème ou une chanson. La Ballade des pendus, de François Villon.

6.       L’équinoxe vernal : de printemps.

7.       Se sont laissé hâler : il est tentant d’accorder ce participe avec le GN « les mordus de bronzette ». Il s’agit tout d’abord d’un verbe accidentellement pronominal.  Le participe passé est suivi d’un infinitif.  Règle : pour que ce participe s’accorde, deux conditions doivent être réunies : 1) le COD doit être placé devant le verbe 2) Ce COD doit faire l’action exprimée par l’infinitif. La 2e condition n’est pas remplie dans le cas présent.

8.       Les bassiers : mot absent des dictionnaires de référence. Ce sont les pêcheurs amateurs qui, lors des grandes marées, s’adonnent à la pêche à pied.

9.       se sont donné rendez-vous : le COD étant placé après le verbe, le participe ne s’accorde pas.

10.   Les lais de haute mer : ce sont les terrains que la mer laisse à découvert. Un lais ou une laisse.

11.   Rituel immuable : invariable, constant.

12.   Un palot : bêche étroite servant à retirer les vers ou les coquillages du sable. Ne pas confondre avec l’adjectif pâlot.

13.   Les fucacées : Nom féminin pluriel. Point de fût(s) cassé(s) ! Algues brunes parmi lesquelles le fucus et la sargasse.

14.   Brun-jaune : voir la note 4. En outre, il faut le trait d’union (deux couleurs à part entière)

15.   Les corallines : algues marines rouges, buissonnantes, riches en iode.

16.   Un portune assoupi : petit crabe appelé communément étrille.

17.   Le solen : mollusque comestible appelé communément couteau.

18.   Le pétoncle : coquillage à coquille brune et striée.

19.   Passé l’étale de basse mer : ce participe place en tête de proposition reste invariable

20.   L’étale : nom masculin ou féminin selon PR. Moment où le niveau de la mer reste stable. L’étale de basse mer.

21.   Le revif : montée des eaux.

22.   Les troubles agitées : ce nom vous aura peut-être troublé(e) ! Nom féminin. Épuisette.

23.   Le bouquet : grosse crevette.

24.   La slikke molle : la slikke désigne la partie basse de l’estran, faisant suite au schorre.

25.   Aucunes syrtes : Nom féminin. Au pluriel, bancs de sables mouvants. Aucun, aucune, placés devant un nom toujours pluriel prend lui-même la marque du pluriel.

26.   La tangue : dépôt sédimentaire sur certaines baies…

27.   Limicole : adjectif. Qui vit sur la vase et se nourrit de petits êtres vivants enfouis (vers, coquillages)

28.   Le courlis : oiseau limicole à long bec.

29.   La mye : mollusque bivalve à coquille striée.

30.   Une sabelle : Ver marin allongé qui vit dans la vase et dont les branchies sont en panache.

31.   La criste-marine : plante charnue qui se fixe sur le littoral rocheux. On l’appelle aussi crithme, perce-pierre. On trouve aussi la graphie christe-marine.

32.   Du nanan : C’est du nanan ! C’est très agréable, c’est délicieux.

33.   Un maître(-)queux : du latin coquus, cuisinier. Un maître-cuisinier.